Mes filles et moi
Juillet 2007.
Il doit faire au moins 32 degrés Celsius. J’ai chaud mais ça ne me dérange pas. Je suis heureuse. J’installe enfin MA tourbe sur MON terrain autour de MA maison.
J’ai 22 ans. Mais j’attendais ce moment depuis si longtemps déjà.
Je savais (lire : croyais savoir) ce que je voulais vraiment dans la vie et précisément comment ça arriverait : maison, mariage, bébé? Je ne savais pas encore. C’était si loin dans ma tête. « Un jour, j’aurai des enfants ». Parce que malgré ma maturité étonnante du haut de mes 22 belles années, j’étais loin de penser être en mesure de m’occuper d’un enfant. D’en vouloir, à la limite.
Après cette journée d’installation de gazon, j’étais épuisée. Le lendemain, encore plus. Le surlendemain, j’avais un tour de reins épouvantable. Je me disais que je vieillissais (!). Cette fatigue m’a suivie pendant des semaines. Puis j’étais déprimée. Je croyais que je faisais un burn-out. Ou que je m’enlignais tout droit vers une dépression. Alors par un soir d’été où mes parents étaient partis loin loin loin, mon chum-alias-futur-mari (tsé, mes plans!) travaillait tard, j’ai décidé d’éliminer une source de doute : je suis allée m’acheter un test de grossesse.
Moi, la prévoyante, l’organisée, la réglée-au-quart-de-tour, ça ne se pouvait juste pas. Mais juste pour calmer les rumeurs de tous et chacun, je trouvais que c’était somme toute un bon investissement.
« Après avoir uriné sur le bâton, veuillez déposer le test sur le comptoir et attendre de 3 à 4 minutes que le résultat s’affiche ». Parce que tsé, j’ai pris le test digital, je voulais être sûre. Les 3 ou 4 minutes réglementaires n’ont pas été nécessaires. Je dirais 2,6 secondes et le mot ENCEINTE en lettres majuscules s’est affiché, en clignotant et avec une légère précision au bas : 3-4 semaines. Hein? De kessé? Comment ça enceinte depuis un mois? J’ai eu mes règles la semaine passée! Ben non, ça ne se peut pas!
Je vous épargne la suite, mais oui, j’étais bien enceinte. De ma première fille, Juliette, qui a aujourd’hui 7 ans.
C’est à partir de ce jour-là que j’ai cessé de faire des plans. Pas d’arrêter de rêver, non, juste d’arrêter d’essayer de tout contrôler.
Parce que toi, tu as décidé que c’était le bon moment. Parce que tu voulais me montrer que toute ma vie j’aurais pu trouver une raison pour me faire croire que ce n’était pas le bon moment. Parce que tu me voyais peut-être de là-haut, à te dire qu’il y avait sûrement quelque chose à faire avec moi. De mieux. Que de me faire shaker la cage thoracique, d’élire domicile au creux de mon ventre, tout près de mon cœur, c’était la seule chose à faire pour me faire enfin vivre. Pour vrai.
Moi qui déteste les surprises, tu m’as bien eue.
Ta sœur et toi avez fait de moi une maman, mais j’ignorais complètement que vous pouviez du même coup faire de moi une bonne personne. Que vous auriez le pouvoir de me remettre les valeurs aux bonnes places. De me donner l’envie d’être un bon exemple. D’être une meilleure version de moi-même non pas pour impressionner qui que ce soit, juste pour que vous soyez fières de moi. Mon temps libre s’est divisé mais les occasions de me surpasser et d’être fière de moi se sont multipliées.
La vie est maintenant moins prévue d’avance, mais tellement plus animée. Y’a des petits doigts partout et des bras dodus autour de mon cou. J’ai appris à faire 12 voix différentes pour la même histoire tous les soirs et je cède la dernière part du gâteau. J’aime me voir en vous même s’il s’agit de mon sale caractère. J’aime ton sens de la répartie, Juliette, et ton extraordinaire imagination, Rose-Aline. Y’a pas de plus beaux matins que ceux où je me réveille en votre compagnie : vous êtes de véritables petits soleils. J’adore les minis moi que vous êtes.
Mes filles et moi, on fait toute une équipe.
Je vous aime mes belles!
Votre maman xxx
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